« Montrer la richesse et la diversité de l’apport des femmes de sciences »

Modifié le :

L’exposition itinérante « L’effet Matilda » s’enrichit de huit nouveaux portraits de scientifiques. La biologiste Julie Batut, membre de l’association Femmes & Sciences, co-productrice de l’exposition aux côtés du Quai des Savoirs et du CNRS Occitanie Ouest, vous les dévoile en avant-première.

Quel est l’objectif de l’exposition « L’effet Matilda » ?

Julie BATUT : À travers une série de portraits, elle met en lumière des scientifiques victimes de ce que l’on nomme « l’effet Matilda ». Ce terme­ —inventé par l’historienne américaine Margareth Rossiter en hommage à la militante féministe Matilda Joslyn Gage—, désigne l’invisibilisation des femmes de sciences dont les travaux ne sont pas reconnus ou ont été injustement attribués à leurs collègues masculins, leurs maris, leurs frères.

Nous voulons expliquer ce biais discriminatoire et rappeler que les femmes ont contribué de façon continue à l’histoire des sciences, et ce, dans toutes les disciplines. L’objectif est de faire prendre conscience de ce phénomène pour le combattre.

Après une première sélection de huit scientifiques en 2020, l’exposition s’agrandit avec huit nouveaux portraits. Pourquoi cette extension ?

Julie BATUT : Précisément pour montrer la richesse et la diversité des profils et des domaines concernés. Nous présentons ainsi un nouveau panel pluridisciplinaire qui va de la chirurgienne et pionnière de la gynécologie du XIe siècle, Trotula de Salerne, à la programmeuse de jeux vidéo Danielle Bunten Berry, en passant par la botaniste du XVIIIe Jeanne Barret, ou sa contemporaine la chimiste Marie-Anne Paulze, restée dans l’ombre de son mari Antoine Lavoisier. Nous avons également veillé à la diversité des origines. Pour une Katherine Johnson, la mathématicienne et informaticienne afro-américaine de la Nasa rendue célèbre par le film « Les figures de l’ombre », combien de minorités invisibilisées ? Si nous voulons que toutes les jeunes filles s’autorisent à envisager des carrières scientifiques, il faut montrer que c’est possible, dans tous les domaines et quelles que soient les origines sociales, géographiques, culturelles. Et les candidates ne manquent malheureusement pas. Il faudrait rajouter huit portraits tous les ans ! Nous avons également introduit des personnes transgenres, car la double discrimination dont elles ont été les victimes est particulièrement édifiante.

Vous avez accompagné l’exposition à plusieurs reprises. Quelles sont les réactions du public ?

Julie BATUT : Cette exposition a beaucoup d’impact, notamment auprès des jeunes garçons et des hommes. Ils en saisissent la nécessité en découvrant l’importance des travaux des scientifiques présentées. Ils ne comprennent pas pourquoi elles ne sont pas davantage connues. Dans les collèges, les lycées, les médiathèques, partout où ils sont présentés, ces panneaux provoquent de l’étonnement et de la curiosité, les gens ont envie d’en savoir plus sur ces personnalités enfin mises à l‘honneur. Et nous espérons que les nouveaux portraits susciteront encore plus d’engouement. Ils font entrer des disciplines davantage en prise avec l’actualité et les préoccupations du public, en particulier des jeunes. Par exemple la paléontologue Mary Anning qui collectait des fossiles marins sur la côte britannique, la pionnière du jeu vidéo Danielle Bunten Berry, ou encore la biologiste et militante écologiste Rachel Carson dont le livre « Le printemps silencieux » alertait dès 1962 sur les dangers des pesticides.

Ressources complémentaires


Crédit image :  DCSTI – Toulouse Métropole