Les 15-34 ans et l’information

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N’a-t-on pas crié sur tous les toits que les jeunes ne s’informent plus ? Un vent de panique n’a-t-il pas balayé nos médias depuis 2015, craignant que cette génération ne s’égare dans un flot de fake news, de fausses informations et de mensonges plus ou moins bien déguisés ? Gouvernement, médias, associations, institutions culturelles et tant d’autres se sont lancés tout entier dans cette nouvelle mission : l’éducation aux médias et à l’information (EMI). Mais qu’en est-il ? Quel est le rapport des 15-34 ans à l’information ?

En 2016, une étude sur le comportement des jeunes vis-à-vis de l’information a été réalisée par le Ministère de la Culture. 93% des 15-34 ans s’y intéressent. Cette tranche d’âge compte même 15% d’accros, et à tous les sujets ! Smartphone en main, c’est par les réseaux sociaux qu’ils consultent principalement les actualités (71%) de manière continue tout au long de la journée. Alertés des dernières actualités grâce aux notifications des différentes applications présentes sur leur smartphone. Le désintérêt que les 15-34 ans expriment ne concerne pas l’information mais bien plus les médias institués. Journaux télévisés, radios, presse écrite sont perçus comme cherchant le buzz, imposant des thématiques, porteurs d’idéologie…

A contrario, internet est vu comme permettant plus de liberté, de choix, de diversité. Les formats courts basés sur la vidéo ou l’image sont ceux qu’ils favorisent car vus comme permettant un accès rapide et efficace à l’information. En un temps bref, les jeunes ont le sentiment de savoir l’essentiel. Mais c’est aussi le ton et le vocabulaire employés dans ces formats 100% vidéos, plus légers, plus spontanés, plus accessibles, qui les attirent. On peut citer : Brut, Loopsider, Konbini et autres chaines YouTube.

Ces nouveaux médias, présents sur de nombreuses plateformes, ont pour public cible les 15-34 ans. Ils abordent des thématiques qui les intéressent tout particulièrement : les enjeux environnementaux, les débats sociaux, les actualités internationales, etc. Les jeunes ont tendance à trouver que les médias traditionnels ne traitent pas de ces sujets.

Ce qui distingue aussi ces nouveaux moyens de s’informer des autres est qu’ils associent informations et réseaux sociaux. Ils permettent des échanges à la fois entre internautes et entre internautes et journalistes. C’est particulièrement le cas sur YouTube ou sur Twitch. Être informé joue un rôle dans la socialisation des jeunes. Ainsi, 35% des 15-34 ans et 42% des 15-19 ans citent le fait de pouvoir discuter avec leur entourage comme motivation pour s’informer.

Cependant, les réseaux sociaux ne sont pas la seule source d’information des jeunes. S’ils délaissent les médias institués, ils font usage d’un mix de moyens d’informations : réseaux sociaux, journaux télévisés, sites de vidéos en ligne, flashs info des radios musicales… Les jeunes ne sont pas dupes des effets de séduction propres aux dispositifs d’information qu’ils affectionnent le plus. D’ailleurs, les formats qu’ils favorisent (100% vidéo et YouTube), ne sont pas ceux qu’ils jugent les plus fiables.

Tout comme le reste des français, c’est la radio et la presse écrite qu’ils jugent les plus crédibles et les plus légitimes. D’ailleurs, via smartphone, ils consultent principalement les déclinaisons web des médias classiques (Le Monde, 20 minutes.com, etc.). Il y a alors une certaine contradiction : ils délaissent les médias institutionnels mais affectionnent leurs déclinaisons sur les réseaux sociaux.

Les jeunes ont tendance à confondre le ton et le format avec les processus de fabrication de l’information. Ainsi, ils trouvent que les formats vidéos sont dénués d’intentions idéologiques à l’inverse des médias traditionnels. Le ton plus léger, plus souple est associé à un processus de fabrication plus libre.

Les formats 100% vidéos ont tendance à invisibiliser le travail éditorial. Cela donne le sentiment que l’information transmise est objective et exhaustive. Les reportages et vidéos YouTube présentent souvent les dessous de la fabrication de l’information en montrant le travail effectué en amont. C’est le cas de la chaîne YouTube de Hugo Décrypte par exemple qui cite les sources qu’il utilise, reconnaît les erreurs commises et explique pourquoi tel sujet est abordé quand tel autre ne l’est pas.

Sur YouTube, c’est aussi un sentiment d’horizontalité qui est apprécié par les jeunes. Les youtubeurs sont comme eux, parlent comme eux. S’installe alors une complicité entre youtubeurs et internautes, pouvant provoquer une baisse de vigilance de ces derniers. Le risque est alors qu’ils accordent une confiance aveugle aux youtubeurs. De plus, ces médias et plateformes fonctionnent via des algorithmes qui font ressortir des informations au plus proche de ce que l’on regarde déjà. Le biais de confirmation menace.

Les 15-34 ans expriment un fort intérêt pour l’information, comme le reste de la population française. Mais ce sont leurs pratiques et les dispositifs qu’ils utilisent qui ont évolué. Ces derniers représentent à la fois une opportunité et un risque. C’est, par exemple, l’occasion d’emmener les jeunes vers des ressources qui ne les intéresseraient pas de prime abord.

Mais le design de ces dispositifs est conçu pour entretenir l’idée de transparence de la fabrication et de la diffusion de l’information. Se pose alors la question d’une éducation aux médias et à l’information pertinente. Dans son étude, le gouvernement a pu constater que lorsque les jeunes bénéficient de séances d’EMI, ils sont plus nombreux à se déclarer accro à l’information (22% contre 12%). Mais ils sont aussi plus attentifs aux sources de l’information qu’ils consultent (65% contre 42%).

Il ne s’agit pas tant de transmettre une méthode infaillible de décryptage de l’information séparant le vrai du faux mais plutôt de les accompagner dans une conscientisation de leur pratique informationnelle. Les aider à comprendre comment fonctionnent les algorithmes derrière les plateformes, quels sont leurs modèles économiques, comprendre quelle est l’intention de l’auteur… L’EMI permet d’accompagner les jeunes dans la construction d’un paysage médiatique, l’élaboration d’une grille de lecture et le développement d’un esprit critique. Cela est sans doute d’autant plus nécessaire que les pratiques des jeunes d’aujourd’hui reflètent celles que nous aurons tous demain.

Ressources :

Médiamétrie, Enquête en ligne auprès d’un échantillon de 2000 internautes de 15-34 ans – Novembre 2017

Comment est-ce que les adolescents s’informent ? : Baromètre 2021 de la confiance des Français dans les media (kantar.com)

Comment s’informe les adolescents ?, un épisode de l’émission ÊTRE ET SAVOIR par Louise Tourret – Comment apprennent-ils à s’informer dans les différents médias et peut-on leur apprendre à bien s’y orienter ?

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