Apocalyptico-poétique – Paul Vivien

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Loin de la catastrophe, Paul Vivien envisage la fin du monde humain comme sublimant la beauté d’une Nature qui reprend ses droits. En résidence au Quai des Savoirs, il a collaboré avec des scientifiques de l’Atécopol sensibles au projet afin d’imaginer Toulouse sous cet autre jour.

L’harmonie de notre absence, résultat de cette résidence, a été présentée durant Lumières sur le Quai 2023.

Paul Vivien

Paul Vivien est cofondateur du Label OYÉ. Formé au design et aux arts vivants, il interroge l’environnement, naturel comme artificiel, dans lequel notre espèce évolue. Il est fasciné par les nouvelles technologies et explore aussi bien leurs possibilités en tant qu’outil que leur impact sur notre société. Par le hacking et le réemploi, il fait se rencontrer les thèmes qui l’inspirent : le comportement animal, les phénomènes naturels, la science-fiction, le design low-tech et les arts forains.

Résidence au Quai des Savoirs en octobre 2023

Spectacle en devenir, L’Harmonie de notre Absence cherche à faire éprouver un monde que l’on ne connaîtra jamais, au travers d’un dispositif low-tech immersif et d’une dizaine de dioramas rotatifs. Ces derniers sont créés au fil des expositions de l’artiste rennais.

Le travail sur la région a commencé à distance, en juillet, avec la rencontre de Marc Deconchat, écologue et Marieke Van Lichtervelde, géologue. Des échanges liminaires autour de l’esprit du projet et quelques imaginaires paysagers, pour délimiter le cercle qui sera représenté sur sa platine vinyle hackée. Les idées se croisent autour d’une question : si l’humanité disparaissait, que resterait-il de nos villes ? Les pierres, les armatures et autres minéraux – des ponts, des objets, des bouts de bâtiments… Autant d’endroits qui pourraient être regagnés par le reste du vivant.

Pour choisir le lieu précis à maquetter, Paul utilise aussi l’IA générative. Tâtonnant dans l’art du prompt, il retrouve dans beaucoup d’images aux airs toulousains, un édifice : le dôme de La Grave emblématique qui s’élève à Saint-Cyprien. Une modélisation 3D du quartier pour décor, l’artiste a rencontré en septembre deux autres scientifiques pour préciser certains de ses futurs post-apo.

Gabriel Hes d’abord, doctorant en sciences du climat et des forêts. Ensemble, ils explorent les différentes hypothèses qui pourraient faire disparaître l’humain du territoire, les potentielles modifications du paysage et de l’environnement. Toulouse pourrait-elle se tropicaliser ? La Garonne serait-elle asséchée ou au contraire, délitée ? Le franchissement de seuils planétaires rend les évolutions climatiques imprévisibles et de nombreux scénarios, à la fois plausibles et incertains.

Puis, Emmanuel Discamps, archéozoologue spécialisé dans les interactions entre changements environnementaux, groupes humains et communautés animales. De ses connaissances d’un lointain passé, le chercheur contribue à projeter un futur où les infrastructures deviendraient forêts, réinvesties par toutes formes de vie : animaux domestiques ou sauvages, prédateurs, poissons…

Arrivé à Toulouse, Paul s’attelle à matérialiser le paysage ainsi co-imaginé. Pendant 4 jours, c’est au RoseLab qu’il fabrique sa maquette à coups de découpes laser et d’impressions 3D. La ville est d’abord intacte, fidèle à la vue qu’il a pu avoir lors d’un passage sur le toit de La Grave pour ajuster la conception à la réalité. Vient ensuite le moment de l’abîmer comme le ferait le temps, à la croisée de la fiction et des sciences partagées. L’artiste achève finalement son travail en habillant ces ruines de plantes, de lichens et en l’habitant de quelques bêtes, à la suite d’un dernier rendez-vous scientifique pour déterminer les espèces les plus à même de prendre la place laissée par notre absence.

Une installation nocturne, de minutieux réglages et une machine à fumée improvisée avec une cigarette électronique et un gobelet : Paul Vivien présente L’Harmonie de notre Absence au festival Lumières sur le Quai 2023. À noter que l’exposition de l’œuvre sera momentanément interrompue. En cause, un dérèglement visiteur de l’installation. Comme si le public avait voulu manifester son opposition, signifiant que la fin du monde n’aura pas lieu..?

En partenariat avec le RoseLab

Paul Vivien-Triptyque 1
Paul Vivien-Triptyque 2

Crédit photos : © Emmanuel Grimault

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