Le tribunal du Quai des Savoirs : les réseaux sociaux sur le banc des accusés
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Accusés de favoriser la désinformation et de mettre en danger la démocratie, les réseaux sociaux se sont défendus face au tribunal du Quai des Savoirs. Mais comment les accuser sans remettre en question nos libertés fondamentales ? Qu’a tranché le jury, incarné par le public ?
Les réseaux sociaux doivent rendre des comptes !
Après avoir délibéré sur le cas de l’Intelligence Artificielle en 2024, l’audience du tribunal du Quai des Savoirs s’est ouverte le 27 mars 2025 pour décider du sort des réseaux sociaux.
« Les débats sont ouverts. »
Entrée de la Cour, incarnée par Sandra Desjardin. La Présidente s’installe et invite la salle à s’assoir. Ce soir, le public agira en qualité de jury : après avoir écouté témoignages, expertises, réquisitions et plaidoiries, il faudra trancher du sort des réseaux sociaux.
La Présidente lit l’ordonnance de mise en accusation. Les réseaux sociaux sont-ils à l’origine de la dégradation de la parole ou ne sont-ils que le miroir d’une société dans laquelle le dialogue n’a plus sa place ?
« À la lumière de l’ensemble des charges retenues, les magistrats instructeurs ont ordonné leur renvoi devant la Cour d’Assises du Quai des Savoirs afin qu’ils puissent répondre de leurs actes.J’indique aux parties et j’avertis l’accusé que j’envisage de poser la question suivante : les réseaux sociaux sont-ils les ennemis de la démocratie ? »
Le tribunal de gauche à droite : l’Avocat général Magali Norguet, la Présidente Sandra Desjardin, les avocates de la défense Clothilde Leroux et Marjolaine Grouteau.
Journalistes, professionnels et chercheurs dans la peau des témoins et experts
Thomas Huchon, journaliste spécialiste dans la lutte contre les fake news, ouvre les témoignages. Il attire l’attention sur les mécanismes derrière les algorithmes des réseaux sociaux. Reposant sur l’économie de l’attention, ce sont les contenus les plus émotionnels qui sont le plus diffusés, favorisant la désinformation et enfermant les personnes dans des bulles de filtre. « Vingt ans après la création des principaux réseaux sociaux, on constate qu’ils ont fragmenté la société. Ils ont posé des barrières entre les gens qui n’existaient pas auparavant. »
Au tour d’Antoine Tabard, Secrétaire général de l’Arcom Toulouse, d’apporter son éclairage en tant qu’expert. Il présente les nouvelles méthodes de régulation qui ont émergées avec l’avènement des plateformes numériques. Le DSA, Digital Service Act, impose de nouvelles obligations. « Le code prévoit notamment de mettre fin au financement des opérations de désinformation, d’assurer une plus grande transparence sur les publicités à caractère politique et de renforcer la lutte contre les faux comptes. »
David Chavalarias, directeur de recherche au CNRS en mathématiques sociales et créateur du Politoscope, intervient ensuite en tant qu’expert pour décrypter l’impact des réseaux sociaux sur les opinions politiques. « Avec 10 millions d’utilisateurs en France, X représente dix fois l’écart entre les candidats en tête lors d’un premier tour de présidentielle. Influencez 10 % de cette audience et modifiez potentiellement le résultat d’une élection. »
Expertise de David Chavalarias : « Je le jure »
Dernier témoin appelé à la barre : Umberto Grandi, enseignant-chercheur en informatique à l’Université de Toulouse. Il évoque un aspect vertueux des réseaux sociaux : l’engagement citoyen et les possibilités démocratiques de ces outils. Il travaille notamment sur le projet ADDI, dont l’objectif est de faire avancer les innovations digitales au service de la démocratie. « Des mouvements [sociaux] ont pu avoir lieu grâce aux réseaux sociaux, accusés pourtant dans ce tribunal de nuire à la démocratie. »
Le public donne son verdict
Le public s’est exprimé par un vote à main levée !
C’est au tour de l’avocat général, Magali Norguet, et des avocates de la défense, Clothilde Leroux et Marjolaine Grouteaux, de s’affronter dans une bataille endiablée. Ce seront leurs derniers arguments, leurs derniers mots, qui feront pencher la balance dans un sens ou un autre.
L’Avocat général : « Les réseaux sociaux fonctionnent à l’épidermique, à la fleur de peau. Il n’y est pas question de réflexion, il y est question de réaction, d’émotion. »
La Défense : « Avec le mouvement #MeToo, grâce aux réseaux sociaux, la honte a enfin changé de camp. »
Il faut finalement voter. Après une minute de réflexion, les mains se lèvent : 39 voix « coupable », pour 51 voix « non coupable ». Les réseaux sociaux sont acquittés !
Découvrez le dossier du procès
Retrouvez ici le dossier complet Les Minutes du tribunal (pdf) regroupant les transcriptions de tous les intervenants et intervenantes, leur biographie, ainsi que les pièces à convictions, le tout illustré par les photographies d’Emmanuel Grimault.
Dans le cadre de la saison culturelle associée à l’exposition Comme des Moutons ? du Quai des Savoirs, et dans le cadre du Printemps de l’Esprit Critique, une soirée en partenariat avec la Cour d’Appel de Toulouse et la Conférence du Barreau de Toulouse et l’Ordre des Avocats de Toulouse.
[ARTICLE/VIDÉO] Accusés de favoriser la désinformation et de mettre en danger la démocratie, les réseaux sociaux se sont défendus face au tribunal du Quai des Savoirs. Mais comment les accuser sans remettre en question nos libertés fondamentales ? Qu’a tranché le jury, incarné par le public ?
[ARTICLE] Depuis sa création, le Quai des Savoirs place l’éducation au cœur de sa mission. Convaincu que la culture et la science sont des clés pour comprendre le monde, il développe depuis plusieurs années un dialogue étroit avec les mondes éducatifs et ses acteurs.
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