Principal mode d’accès à l’information pour les jeunes de 15 à 34 ans, les réseaux sociaux jouent un rôle central, à l’échelle mondiale, dans le partage des savoirs et la formation des opinions publiques. En rupture avec les lois et règles habituelles auxquelles sont soumis les médias et les journaux, ils se présentent comme de simples plateformes de diffusion de contenus, s’exonérant de toute responsabilité quant aux contenus qu’ils diffusent. Contrairement aux médias traditionnels, les réseaux sociaux n’ont pas de ligne éditoriale, ils ne choisissent pas ce qu’ils diffusent. Cependant, cette neutralité n’est qu’apparente car, en réalité, tous les contenus publiés sur les réseaux sociaux ne sont pas diffusés de façon égalitaire. Chaque réseau social s’appuie sur un ou plusieurs algorithmes qui effectuent des tris, des classements et « décident » ce que vous, utilisatrices et utilisateurs du réseau, allez voir s’afficher sur vos écrans, sans l’avoir particulièrement demandé.
Ce processus de fabrication de l’information est aujourd’hui relativement connu. Il pose néanmoins un problème majeur : celui de la mésinformation, voire de la désinformation. Car en effet, les contenus propagés sur les réseaux sociaux ne répondent ni à des critères journalistiques de vérification des sources, ni de recherche de vérité. Peu importe qu’ils déforment la réalité, qu’ils nient les faits, ou même qu’ils créent une « réalité alternative ». Les contenus diffusés par les réseaux sociaux visent exclusivement à capter votre attention afin de vous garder le plus longtemps et le plus souvent possible sur leur plateforme. Car c’est le cœur de leur modèle économique : vendre à des publicitaires toutes les données que vous produisez en continu sur leur plateforme. Clics, likes, scrolls, durée de consultation de tel ou tel contenu, abonnements, commentaires, etc. Croisées avec votre profil personnel, même anonyme ou sous pseudonyme, toutes ces données vont leur permettre de modéliser le type de consommateur que vous êtes, et vous vendre à des marchands. Si c’est gratuit, c’est que vous êtes le produit !
Pour capter votre attention, ils déploient toute une panoplie d’outils et de techniques issues notamment des recherches en psychologie cognitive. Par exemple, ils s’appuient sur nos biais cognitifs, dont celui de confirmation. Avoir raison nous fait plaisir, et donc les algorithmes ne nous fournissent que des contenus qui confirment ce que nous croyons ou savons déjà, ce qu’on appelle une « bulle de filtre ». Peu importe que cette croyance soit fondée ou pas. Au lieu de construire une culture commune, les réseaux sociaux fragmentent nos sociétés, en renforçant l’entre-soi, en attisant la peur de la différence au risque de détruire le lien social, et finalement nos régimes démocratiques fondés sur la délibération et le libre-arbitre.
L’actualité récente, outre-Atlantique, où les patrons des plus grands réseaux sociaux de la planète ont fait allégeance à Donald Trump, en supprimant les dispositifs de régulation et de modération de X, Facebook, Instagram, au prétexte de la « libre expression », montre à quel point ces technologies de communication peuvent être utilisées contre la démocratie, contre la liberté et l’émancipation individuelle et collective. Même si les directives européennes et les lois nationales au sein de l’UE nous protègent de ces dérives, comme sur aucun autre continent, il est plus que temps de nous interroger collectivement sur ces réseaux sociaux. C’est le but de ce deuxième vrai-faux tribunal du Quai des Savoirs, proposé à l’occasion du Printemps de l’esprit critique. Et c’est vous, public, qui déciderez in fine du sort des réseaux sociaux à l’issue de 2 heures de débats, de témoignages et de contributions d’expertes et d’experts. Aujourd’hui plus que jamais, les réseaux sociaux doivent rendre des comptes !