Résidence au Quai des Savoirs en janvier 2025
Dans un futur proche IA-dépendant, quatre personnages addicts aux jeux d’argent participent à un jeu télévisé. Dans ce récit dystopique, le public prend part aux différents tableaux. Entretien avec Yvain Juillard, directeur de la compagnie.
Quai des Savoirs : À l’image de Cerebrum, Ad-dicere mêle les neurosciences au théâtre. Que raconte ce nouveau spectacle ?
L’intention de ce spectacle est de travailler sur ce qui nous divise, ce pourquoi les humains entrent en conflits. Le cadre est le rapport à l’addiction. Dans la première partie, un des personnages, spécialiste de la prise de décision chez l’être humain, va venir tester le libre-arbitre des gens en direct.
Par exemple, on proposera des questions à choix multiples au public qui verra en temps réel l’évolution des réponses données. En augmentant plus rapidement le nombre de réponses fausses, cela aura une influence sur les réponses suivantes. On va aussi confronter le public à des dilemmes moraux. Les gens sont influencés par des facteurs dont ils n’ont pas conscience lorsqu’ils prennent une décision, et on va leur révéler.
La compagnie a testé le dispositif participatif au cours de deux séances au Quai des Savoirs le 18 et le 24 Janvier 2025.
Cette pièce est le fruit d’une étroite collaboration avec des scientifiques. Comment écriture théâtrale et connaissances scientifiques aboutissent à un spectacle ?
C’est important pour moi que ces deux disciplines cohabitent. Je rêve de spectacles. Mais avant ça, il y a une réflexion sur ce qu’est la réalité. J’ai contacté des scientifiques, dont Céline Cappe et Yves Rossetti. Grâce à notre base de vocabulaire commun, on est entrés dans des dimensions statistiques, de biologie cellulaire puis à des échelles plus grandes comme le comportement. Notre processus d’écriture est lui-même scientifique.
Le hiatus entre le réel et notre perception a motivé l’écriture. Dans mon travail, j’aime mélanger la magie et les perceptions pour voir comment une information est interprétée par le cerveau et créer tout autre chose.
La deuxième partie du spectacle est un point de bascule dans la narration. Pouvez-vous nous expliquer ce choix ?
En effet, dans un second temps, les quatre personnages tombent dans le coma. Ils se confrontent à plusieurs dissonances cognitives et à un monde sauvage, intime. On utilise la métaphore des fonds marins pour inviter le public à une réflexion plus profonde. Au Quai des Savoirs, on a développé des expériences métacognitives avec le public. C’est une manière non pas d’entrer dans le discours du réel mais d’en faire l’expérience.
Une expérience métacognitive est une expérience sensible qui contredit ce qu’on devrait voir normalement. – Yvain Juillard
On rencontre alors un étranger qui est soi-même. Pour le public, c’est à la fois une joie et un émerveillement mais c’est aussi déstabilisant. Cette deuxième partie soulève des questions profondes : comment est-ce que je peux avoir une emprise sur moi-même ? Comment le marketing travaille ? Suis-je vraiment libre ? C’est abyssal comme réflexion.
Le spectacle Ad-dicere sera diffusé en Mai 2026 au théâtre Le Vilar à Louvain-La-Neuve avant de poursuivre avec une tournée à Bruxelles et en France.