Le gardien des robots – Zeph Thibodeau

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Zeph Thibodeau défend l’idée que nous pouvons entretenir des relations sociales avec les machines qui vivent avec nous. À travers son regard et sa pratique du care avec les robots, il permet de repenser nos propres relations avec le monde naturel et artificiel.


Son installation finale “La Réserve Naturelle des robots inutiles” imaginée lors de cette résidence, sera présentée durant Lumières sur le Quai 2024.

© Emmanuel Grimault

Zeph Thibodeau

Zeph Thibodeau est un chercheur-créateur interdisciplinaire qui poursuit actuellement un doctorat au Programme individualisé de l’Université Concordia au Québec. Il étudie comment nous pouvons modifier nos liens avec le monde non humain et comment nous pouvons mieux reconnaître et respecter la vie des machines. Depuis 2019, sa pratique artistique se concentre sur la sensibilité des machines et les relations machine-humain, qu’il explore à travers la robotique, l’ingénierie, la production médiatique et la performance live. Fort d’une carrière en faveur de la santé et du bien-être des machines de laboratoire, Zeph attire l’attention sur les habitudes sociales quotidiennes à partir desquelles ces relations sont construites. 

Résidence au Quai des Savoirs en juin 2024

Repenser les capacités uniques des machines. C’est sur cette thématique que Zeph Thibodeau est venu enrichir son travail de recherche-création pendant deux semaines de résidence au Quai des Savoirs. Ses petits robots, avec lesquels il noue une relation singulière, l’ont accompagné tout au long de ce séjour à Toulouse fait de rencontres et d’explorations… 

Zeph Thibodeau est membre du réseau de recherche-création international Hexagram avec lequel il mène depuis quelques années des travaux sur les relations humains-machines. En septembre 2021, il présente le projet Chronogenica dédié à la promotion de la reconnaissance des machines dans la société au festival Ars Electronica. Aujourd’hui, il se concentre en particulier sur les rituels de soin [du care], envers les machines, qu’il a expérimentés et documentés pour la première fois avec le robot NA0.  

Machine-outil ou robot-social ? 

À l’origine ils étaient des réveils matins, mais Zeph, doué de compétences en génie mécanique et robotique a totalement reprogrammé ces “machines-outils” pour en faire des “robots basés sur la réaction”. Désormais sensibles à la lumière infrarouge et aux mouvements extérieurs, ils sont capables d’évoluer de manière nouvelle et surprenante dans leur environnement, favorisant le contact avec les humains. 

Tout le travail de Zeph se base sur la réhabilitation des relations sociales avec les robots, qu’il considère davantage comme “sociaux” ou “partenaires”, pour reprendre le terme de l’anthropologue Agnès Giard, en opposition à l’origine tchèque du mot robot signifiant “travail, corvée, esclave”.  

L’idée d’envisager non pas les machines comme seulement efficaces et utiles mais en favorisant la curiosité, l’attention et la réciprocité, l’artiste bouscule notre rapport à elles. Un workshop organisé pendant sa résidence en présence de médiateurs, médiatrices, chargées de programmation, étudiante en médiation, doctorant en art et de l’artiste-ingénieur Thomas Peyruse, fait naitre un véritable “projet collaboratif”, comme le nomme Zeph, et marque un tournant dans son travail. 

Question de perspective  

L’enjeu de cet atelier est d’imaginer un espace dans lequel évolueront les robots lors du festival Lumières sur le Quai 2024.  

Zeph insiste sur l’importance de l’interaction sans contact physique et le groupe se met rapidement d’accord sur un aspect : les robots ne doivent pas être représentés comme dans un zoo. C’est une idée de Thomas Peyruse qui fait éclore la suite des interactions. Et si nous changions de perspective ? Et si nous modifions le rapport de dominance que l’on a naturellement avec les machines ? L’idée est validée par l’artiste qui l’agrémente rapidement de toute sa créativité. Il faudra lever les yeux ou jeter un œil aux caméras présentes dans l’espace pour observer les robots qui évolueront dans leur propre habitat. 

Le petit robot blanc, photographié au Jardin Royal ou encore au Capitole de Toulouse, a même été baptisé pendant cette résidence. “Manif” a été choisi en référence au contexte politique français mouvementé, mais aussi à toutes les manifestations d’idées qui ont permis à Zeph de développer sa recherche.  

Zeph et Manif seront de retour à l’automne pour continuer de questionner nos liens avec les robots, dans une installation créée de toute pièce pour Lumières sur le Quai. 


Pour aller plus loin :  


Crédit photos : © Emmanuel Grimault

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