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Le cirque comme langage émotionnel, le public comme entité sensible. En utilisant la science participative, Corinne Linder, de la compagnie Fheel Concepts, et Léa Dédola, artiste-chercheuse en création numérique à l’Université Lumière Lyon II, explorent la place des émotions dans un spectacle d’art vivant. Ensemble, elles développent un outil innovant de mesure des émotions, au cœur du processus de création du spectacle VIBH₂O.
La technologie intégrée au spectacle est lauréate de l’appel à projet ODYSSART.
De gauche à droite : Corinne Linder, Léa Dedola, Katja musicienne performeuse, Valentin Bech couteau suisse, Dimitri Sourzac développement informatique et créations visuelles, Olivier Boureau producteur, et Maxime Touroute artiste numérique
Corinne Linder a commencé le cirque à l’âge de 7 ans et a été formée comme artiste circassienne à l’Esacto’Lido, l’École Supérieure des Arts du Cirque de Toulouse-Occitanie entre 2011 et 2014. Elle est également diplômée en production pour des projets de cirque et de danse à l’Université Jean Jaurès Toulouse. En 2017, elle crée la Compagnie Fheel Concepts, avec laquelle elle met en scène des spectacles hybrides entre cirque & numérique et crée des solutions numériques pour le spectacle vivant.
Léa Dedola est artiste et docteure en études audiovisuelles et cinématographiques. Sa thèse « Création artistique avec immersion et interaction émotionnelles : arts numériques, cinéma, jeu vidéo et réalité virtuelle » a été soutenue à l’Université Lumière Lyon II (laboratoire Passages XX-XXI) et porte sur les dialogues émotionnels entre les utilisateurs et les œuvres numériques.
Après une année de R&D en 2024, menée en étroite collaboration avec la Société des Arts Technologiques (SAT) et le Centre de recherche sur le potentiel humain à Montréal, la compagnie a été accueillie durant deux semaines au Quai des Savoirs afin de parvenir à la phase de création scénique et d’exploitation artistique de VIBH₂O.
Telle est l’intention du spectacle. En mêlant acrobatie aérienne et nouvelles technologies, VIBH₂O porte un autre regard sur cette ressource qui nous relie tous : l’eau. Corinne Linder écrit “L’eau est tout autour de nous, toujours en nous”.
Par une approche plus corporelle, c’est-à-dire par les sensations physiologiques, la compagnie souhaite mettre en évidence le mystère de notre existence à travers la présence fondamentale de l’eau. Les représentations de tissu aérien et de corde verticale rythment les différents tableaux du spectacle et offrent une approche poétique de la molécule.
Grâce à des capteurs biométriques dont sont équipés les publics, les réactions physiologiques collectives influencent directement la narration qui s’adapte en temps réel. Ces capteurs VIB.e-motion, du nom de leur technologie, enregistrent et visualisent des données biométriques telles que la fréquence cardiaque.
La synchronisation collective des émotions et des réactions devient alors une manière de donner vie à un spectacle d’art vivant. Cette approche originale est une invitation à se reconnecter à l’eau qui nous compose, à la fois individuellement mais aussi collectivement. L’expérience de l’eau, qui se vit d’abord en chacun, n’est-elle pas une occasion d’interroger l’importance de l’eau à plus large échelle ?
L’outil VIB e.motion, créé main dans la main par la compagnie et la chercheuse en création numérique Léa Dedola, n’en était jusqu’alors qu’à sa preuve de concept.
Pour clôturer leur résidence, la compagnie a testé le dispositif en version grandeur nature avec le public du Quai des Savoirs lors de deux représentations.
L’objectif était de valider la cohérence entre la technologie et la perception des spectateurs et spectatrices dans un spectacle immersif. En intégrant captations physiologiques, vidéoprojections et son binaural, l’expérimentation consistait à observer l’impact des stimuli artistiques et technologiques sur la synchronie et l’excitation émotionnelle du public.
Réalisés avec un public varié, les tests se sont déroulés en plusieurs étapes. Dans un premier temps, les participants et participantes ont été équipés de capteurs physiologiques puis placés de manière aléatoire sur des sièges numérotés. Le rythme cardiaque au repos, la baseline a ensuite été enregistrée avant de procéder à la phase de stimulation. Cette dernière comprenait trois étapes : sans conscience des réactions, avec visualisation des réactions par le public en temps réel et enfin une dernière stimulation pour enregistrer la synchronisation des émotions.
Un questionnaire post-expérience a été distribué pour recueillir les impressions et analyser l’impact des choix artistiques. Les résultats sont encourageants puisque le taux de satisfaction obtenu est de 90,5 % après ajustements. Cette innovation technologique n’avait jusque là jamais été explorée dans le contexte scénique. Elle change donc le paradigme et les possibilités d’un nouvel axe dramaturgique dans le cirque contemporain.
Toujours en mouvement, le spectacle VIBH₂O poursuit son évolution à travers une série de résidences artistiques.
Crédit photos : © Emmanuel Grimault
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